Aislinn Clarke
Née à Dundalk, dans le comté de County Louth en Irlande, Aislinn Clarke grandit à Belfast : frontière, tensions, mémoires et récits occultés seront bientôt ses terrains de jeu cinématographiques. Petite, elle découvre l’horreur en se faufilant devant un film interdit pour son âge. Nichée dans l’ombre, dans l’escalier de la maison familiale, elle assiste à l’Exorciste. Que le son, sans l’image. Une expérience fondatrice qui va forger son goût pour ce qui se passe dans l’ombre, ce que l’on n’ose pas montrer et va devenir sa marque de fabrique : l’angoisse suggérée plutôt que l’hémoglobine gratuite. En 2019, elle remporte la bourse « UK Academy Gold Fellowship for Women » (reconnue par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences) pour la réalisation-écriture. Elle met un pas alors dans la cour des grands, là où on ne l’attendait pas … « On m’a dit que je n’avais pas le bon caractère pour ça. »
Aislinn Clarke, pourquoi on aime (et pourquoi ça décoiffe)
- elle aime « l’horreur » quand elle est matière à réflexion. Sur le comportement humain, les mécanismes de pouvoir, la peur silencieuse. Elle contribue à ce que l’on pourrait appeler un “cinéma d’horreur de l’intérieur”, engagé, réflexif.
- elle s’intéresse aux « lieux » qui portent une mémoire collective : la Magdalene Laundry de The Devil’s Doorway en est un exemple troublant.
- Clarke illustre bien ce “nouveau visage” de l’horreur féminine : une femme qui dirige un film d’horreur, en provenance d’Irlande du Nord, qui aborde mémoire et institution.
- Parce qu’elle casse les codes de « l’horreur » qui a longtemps été un « club d’hommes » (réalisateurs, producteurs) tandis que les femmes étaient souvent cantonnées au rôle de victime ou “final girl”.
- Parce qu’elle modifie le regard.
- parce que ça fait du bien de voir une réalisatrice qui ne vient pas de Los Angeles, qui a dû se battre et qui parle de choses réelles
- parce qu’elle marie genre (horreur, thriller) + fond (question sociale, mémoire, trauma) et que le combo est rare.
- parce que son cinéma a cette qualité « artisanale » pleinement assumée (petit budget, tournage rapide), ce qui donne une énergie brute.
Aislinn Clarke, c’est un peu la preuve vivante que :
- on peut venir d’un endroit reculé, être issu d’un milieu modeste et décider -et y arriver- de faire du cinéma ;
- on peut choisir un genre « qui fait peur » et lui donner corps pour creuser des questions profondes ;
- on peut y ajouter de la passion, du sens et un soupçon de folie.
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Au bout du bout, Aislinn Clarke, c’est un peu la preuve que “faire peur” ce n’est pas juste faire sortir des monstres du placard : c’est aussi regarder ce qui se cache sous la moquette, dans l’envers du décor, derrière les pièces fermées. Et dans un cinéma d’horreur majoritairement masculin, quand c’est une femme qui tient la caméra, ça change la lumière, ça bouge les lignes et ça donne des films d’horreur qui pensent, respirent, dérangent et chamboulent.
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Dans ce nouveau paysage, Aislinn Clarke est une voix vive, marquante, à suivre…

